jeudi 7 juin 2012

Eros crucifié


Une nuit dans le désert et mon cœur s'emballe, j'ai froid, j'ai chaud. 

Je suis Lucifer, du haut de ma tour de glace, les jambes prises, les mains dans les astres, j'incendie le monde pour l'embellir, rendre le charbon diamant, les immeubles et villas seront terres à recréer. Ma gueule ouverte, il en sort un flux rouge comme les lèvres de la Terre que j'embrasse maintenant à pleine bouche. Les cris augmentent et je vois là une femme au chant étrange. Il me suit dans les graves, augmente ses octaves, devient viole et plane sur le sol, un brouillard sourd. Elle a le cou long, doux, c'est une lune à la moitié de sa vie. Elle me fixe, les yeux brillants comme des émeraudes, cyanure inoculé dans ma pièce par la vie. Elle les plisse, fais tomber le rideau. C'est l'entracte, j'ôte mon masque, prend celui aux teintes nuit et jour, un bleu étoilé, noirci et nuageux comme une mousse à l'encre de sèche. Et je descends. Les pieds pris dans le froid, je tombe, elle me récupère, je la brûle, elle me grave un "oui" sur le torse à l'aide d'un silex. Nous partons, comme deux ombres, sur cette terre noircie par mes mots. Et elle marche, elle sait où aller, je le sais également. Alors on avance, chaque roche rougie semble être un matelas pour mon dos douloureux. Elle me pousse, alors je la tire vers moi. Nous chutons, le rire fort et enfantin. On s'arrête, elle m'embrasse, je la repousse et lui offre mes lèvres sur ses yeux, ce à quoi elle répond par une main sur mon torse. Petite pression. Je recule. Elle m'embrasse, je chute, je m'abandonne. Je suis un centaure en ce lieu, et je deviens fou, il me faut un fil ! Et elle caresse mes cheveux, d'une main sage, aussi légère qu'un vol d'oiseaux. Et je ressens son cœur, il est fou, comme le mien. Je l'embrasse, et elle se colle à moi, Elle est nue, la poitrine contre la mienne, les peaux se fondent, elles deviennent une masse mouvante, tel une nuit dans un lac, sans terre la fixant. Nous volons. Nous volons aux rythmes de  nos mains, vives, puis stoppées, mais là ce sont nos yeux qui nous guident. Alors je la regarde, elle courbe son dos, je sens ses muscles se nouer autour de moi. Médusa, tu es mienne. Elle brise mon mur, et je craque, mon sang ne fait qu'un tour, ma main sur sa poitrine, roule vers sa bouche, ses jambes, son entrejambe, sa nuit, son ventre. Elle fait de même, elle empoigne mon arc, tente de décocher une flèche, mais je la reprends, c'est moi qui ouvrirai la première brèche. Alors mes doigts prennent d'assaut son barrage, je caresse ses murs, c'est un vol manifeste, je sens la force d'un torrent derrière la paroi. Alors je goûte à cette forteresse. Elle est de sucre, ma langue la fait fondre, et j'y goûte, elle dévoile ses trésors, un or de femme. Les pièces coulent flot et perlent sur ma langue. 
Je suis pris en flagrant délit, alors elle me repousse, gardienne de ses richesses. Et elle me dérobe des miennes, langue, et doigts comme crochets, ma serrure est ouverte, Mais non je ne craquerai pas, mon or reste mon or, et je la garde, je ne l'offrirai qu'entre ses portes. Elle l'a comprit, alors elle les ouvre, et j'y entre. Je passe de bélier à voleur, franchissant muraille en les caressant, ou bien en les fracassant, faisant craquer bois et fer. Le bâtiment s'effondre. Alors nous sommes sur cette terre rouge, et tout verdit, dans une symphonie naissante, la chair chante sur le corps du bois, c'est le luth et la viole qui font le monde. Nous jouons, allègrement, mon archer sur ses cordes, mes doigts sur ses cordes, ses mains sur ma peau tendue. Tout renait, ici, sous notre chair. 
Les corps se lèvent, ils marchent, ce sont des nouveaux nés. Nous continuons. Encore, une nuit interminable, les nuages coulent entre ses cuisses, un univers né à l'intérieur. Et moi je meurs, dans ses étoiles, dans un souffle sourd, où mon corps devient sang et sperme. Elle m'a vu détruire, et nous avons recréé la Terre.

Les flammes ne sont que le reflet de nos yeux révulsés. Et toi tu fais ton compte, celui des nues sur le grand tableaux noir. Sans bougies ni astres, tu vois le monde.


Oeuvre par Evil Clown, tous droits réservés.



1 commentaire:

  1. Hé hé hé hé hé hé ! A, putain, Evil clown. Qu'est-ce que j'disais tout à l'heure !?

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