Une nuit dans le désert et mon cœur s'emballe, j'ai froid, j'ai
chaud.
Je suis Lucifer, du haut de ma tour de glace, les jambes prises, les
mains dans les astres, j'incendie le monde pour l'embellir, rendre le charbon
diamant, les immeubles et villas seront terres à recréer. Ma gueule ouverte, il
en sort un flux rouge comme les lèvres de la Terre que j'embrasse maintenant à
pleine bouche. Les cris augmentent et je vois là une femme au chant étrange. Il
me suit dans les graves, augmente ses octaves, devient viole et plane sur le
sol, un brouillard sourd. Elle a le cou long, doux, c'est une lune à la moitié
de sa vie. Elle me fixe, les yeux brillants comme des émeraudes, cyanure
inoculé dans ma pièce par la vie. Elle les plisse, fais tomber le rideau. C'est
l'entracte, j'ôte mon masque, prend celui aux teintes nuit et jour, un bleu
étoilé, noirci et nuageux comme une mousse à l'encre de sèche. Et je descends.
Les pieds pris dans le froid, je tombe, elle me récupère, je la brûle, elle me
grave un "oui" sur le torse à l'aide d'un silex. Nous partons, comme
deux ombres, sur cette terre noircie par mes mots. Et elle marche, elle sait où
aller, je le sais également. Alors on avance, chaque roche rougie semble être
un matelas pour mon dos douloureux. Elle me pousse, alors je la tire vers moi.
Nous chutons, le rire fort et enfantin. On s'arrête, elle m'embrasse, je la
repousse et lui offre mes lèvres sur ses yeux, ce à quoi elle répond par une
main sur mon torse. Petite pression. Je recule. Elle m'embrasse, je chute, je
m'abandonne. Je suis un centaure en ce lieu, et je deviens fou, il me faut un
fil ! Et elle caresse mes cheveux, d'une main sage, aussi légère qu'un vol
d'oiseaux. Et je ressens son cœur, il est fou, comme le mien. Je l'embrasse, et
elle se colle à moi, Elle est nue, la poitrine contre la mienne, les peaux se
fondent, elles deviennent une masse mouvante, tel une nuit dans un lac, sans
terre la fixant. Nous volons. Nous volons aux rythmes de nos mains, vives, puis stoppées, mais
là ce sont nos yeux qui nous guident. Alors je la regarde, elle courbe son dos,
je sens ses muscles se nouer autour de moi. Médusa, tu es mienne. Elle brise
mon mur, et je craque, mon sang ne fait qu'un tour, ma main sur sa poitrine,
roule vers sa bouche, ses jambes, son entrejambe, sa nuit, son ventre. Elle
fait de même, elle empoigne mon arc, tente de décocher une flèche, mais je la
reprends, c'est moi qui ouvrirai la première brèche. Alors mes doigts prennent
d'assaut son barrage, je caresse ses murs, c'est un vol manifeste, je sens la
force d'un torrent derrière la paroi. Alors je goûte à cette forteresse. Elle
est de sucre, ma langue la fait fondre, et j'y goûte, elle dévoile ses trésors,
un or de femme. Les pièces coulent flot et perlent sur ma langue.
Je suis pris
en flagrant délit, alors elle me repousse, gardienne de ses richesses. Et elle
me dérobe des miennes, langue, et doigts comme crochets, ma serrure est
ouverte, Mais non je ne craquerai pas, mon or reste mon or, et je la garde, je
ne l'offrirai qu'entre ses portes. Elle l'a comprit, alors elle les ouvre, et
j'y entre. Je passe de bélier à voleur, franchissant muraille en les caressant,
ou bien en les fracassant, faisant craquer bois et fer. Le bâtiment s'effondre.
Alors nous sommes sur cette terre rouge, et tout verdit, dans une symphonie
naissante, la chair chante sur le corps du bois, c'est le luth et la viole qui
font le monde. Nous jouons, allègrement, mon archer sur ses cordes, mes doigts
sur ses cordes, ses mains sur ma peau tendue. Tout renait, ici, sous notre
chair.
Les corps se lèvent, ils marchent, ce sont des nouveaux nés. Nous
continuons. Encore, une nuit interminable, les nuages coulent entre ses
cuisses, un univers né à l'intérieur. Et moi je meurs, dans ses étoiles, dans
un souffle sourd, où mon corps devient sang et sperme. Elle m'a vu détruire, et
nous avons recréé la Terre.
Les flammes ne sont que le reflet de nos yeux révulsés. Et toi tu fais ton compte, celui des nues sur le grand tableaux noir. Sans bougies ni astres, tu vois le monde.
Oeuvre par Evil Clown, tous droits réservés.